Il y a 80 ans les femmes obtenaient enfin le droit de vote et d’éligibilité !


Il y a 80 ans, le 21 avril 1944, les femmes obtenaient enfin le droit de vote (96 ans après les hommes), par ordonnance du Gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger. 

La France est alors le 59ème pays, et l’un des derniers d’Europe, à accorder ce droit, revendiqué depuis 1789. En effet, malgré l’appel de Nicolas de Condorcet, parlementaire girondin, en faveur du suffrage féminin, les femmes sont officiellement exclues du droit de vote (censitaire et indirect) (1) par l’Assemblée nationale le 22 décembre 1789. 

Le combat commence avec en 1791, Olympe de Gouges, femme de lettres devenue femme politique, qui publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (inspirée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). L’article 10 énonce, fort justement, que « la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune« . Olympe de Gouges, considérée comme l’une des pionnières du féminisme français, sera guillotinée le 3 novembre 1793, non pour ses idées féministes mais principalement à cause de ses liens girondins.

Lorsque par décret du 5 mars 1848, les hommes obtiennent le suffrage universel et secret, des voix féminines revendiquent le même droit. Jeanne Deroin, socialiste française, sera la première femme candidate à une élection législative le 13 mai 1849, alors qu’elle n’a ni le droit de voter, ni le droit d’être élue. Considérée comme « excentrique » voire « déplacée », elle aura peu de soutiens immédiats, y compris dans son camp et même de la part de femmes.

Quelques années plus tard le mouvement des suffragettes (militantes du droit de vote des femmes), venu du Royaume-Uni, apparaît en France avec Hubertine Auclert, journaliste et militante. En 1876, elle fonde la société « Le Droit des femmes », devenant en 1883 « Le suffrage des femmes », puis en 1881, elle publie le journal féministe « La citoyenne » dont le premier numéro paraît le 13 février 1881.

L’action de ces militantes ainsi que la participation massive des femmes à l’effort de guerre pendant la première guerre mondiale vont faire évoluer le débat.

En effet, de nombreuses femmes remplacent les hommes partis au front dans des secteurs d’activité qui ne leur étaient pas accessibles jusque-là, ce qui va faire évoluer le regard de la société sur les femmes mais aussi de beaucoup de femmes sur elles-mêmes (capacité à prendre des responsabilités, accès à une certaine forme d’autonomie, désir d’émancipation). 

Pourtant, alors qu’après la première guerre mondiale, de nombreux pays accordent le droit de vote aux femmes, en France le combat n’est pas encore gagné. La France s’y refuse, en partie sous l’influence des radicaux – socialistes qui voient dans le vote féminin un vote « clérical » dangereux pour la République.

Dans les années 30 plusieurs propositions de loi se heurteront à l’opposition du Sénat et ce malgré la mobilisation constante des mouvements féministes. 

Il faudra attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour avoir enfin un consensus sur le sujet. (2) Le 18 mars 1944, le général de Gaulle, alors président du Comité français de libération national, déclare devant l’Assemblée consultative provisoire que « le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous ».

Le 24 mars 1944, cette même assemblée adopte l’amendement Fernand Grenier qui instaure le droit de vote et d’éligibilité à toutes les femmes françaises. 

Le 21 avril 1944, l’ordonnance portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération dispose que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes » (article 17). Les premières élections auxquelles les femmes participent sont les municipales d’avril-mai 1945

Rédigé et adopté en 1946, le préambule de la Constitution de la IVe République rappelle que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme« . 

Le retard pris par la France, par rapport à d’autres pays notamment européens, n’est donc pas lié à une misogynie ou un patriarcat spécifique à notre pays mais au contexte politique. Même si, dès 1936, plusieurs femmes siégeaient dans le gouvernement du Front Populaire, les partis de gauche, pourtant favorables à l’émancipation féminine, se sont opposés au droit de vote des femmes craignant qu’elles n’apportent leurs suffrages aux conservateurs plutôt qu’à ce que nous appelons aujourd’hui les progressistes.

Ce rapide retour historique nous rappelle que ce qui nous semble aujourd’hui aller de soi a été souvent obtenu au terme de combats longs et difficiles. Aussi, concernant plus particulièrement le droit de vote au suffrage universel direct, mesdames, ne le négligez pas et allez voter, ne serait-ce que par respect du combat menée par nos aînées. C’est un droit précieux qu’il faut se garder de considérer comme définitivement acquis. (3)

Rappelez-vous que le 27 mars 2024, le député MoDem, Erwan Balanant, a déposé, sans succès, un amendement visant à supprimer le suffrage universel direct pour l’élection du Président de la République, lequel serait élu pour sept ans par un collège électoral. 

Des taux d’abstention de plus en plus conséquents, pourraient parfaitement justifier l’inutilité de consulter directement le peuple….surtout si ce dernier pense mal !

 1-Seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail ont le droit de voter pour élire des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative.

  2- La majorité des partis politiques à cette période considère que l’accès des femmes à la majorité politique fait partie des évolutions nécessaires. Seuls les radicaux-socialistes continuent de s’y opposer. 

3-De 1302 à 1789 les femmes nobles propriétaires de fiefs et les mères abbesses étaient convoquées aux Etats généraux pour élire leurs représentants. Les femmes seront explicitement exclues du corps électoral à partir de 1791 et jusqu’en 1945.

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