Pour une vraie réforme de notre système de santé, quelques pistes de réflexion.


Déserts médicaux, hôpital public en difficultés chroniques, notre système de distribution des soins et particulièrement des soins hospitaliers, se détériore depuis de nombreuses années. Malgré des lois, des plans, des réformes censés améliorer le système.

Une réforme efficace passe par une meilleure administration des établissements, des personnels et une maîtrise des dépenses de santé laquelle passe notamment par une maîtrise des dépenses générées par les hôpitaux. (1)

En effet, les outils pour la distribution des soins à l’hôpital existent et pour la plupart sont performants, mais ils sont trop mal utilisés et particulièrement mal administrés. Sans une vraie réforme de la distribution des soins hospitaliers Il n’y aura pas de maîtrise

 Il est possible de faire de sérieuses économies à travers des mesures simples.

Une réforme en profondeur implique d’en finir avec 

  • La distinction hôpital public / hôpital privé, médecins plein – temps / médecins libéraux, 
  • La vision politicienne et idéologique du « service public hospitalier » dont les hôpitaux publics essayent de s’arroger le monopole.
  • La gabegie financière, sans véritable contrôle, dans les hôpitaux publics sans qu’il soit réellement possible de désigner des coupables, ou au moins des responsables. (2) Cette irresponsabilité est inacceptable.
  • La suspicion injustifiée qui pèse sur les établissements privés dits « commerciaux ». Suspicion qui sert à détourner l’attention des véritables problèmes.

Une réforme en profondeur implique également de recentrer l’hôpital sur son cœur de métier : la distribution des soins. Il n’y a pas de raison que l’hôpital public se soucie des activités annexes (cuisine, blanchisserie, l’entretien par exemple). Il doit déléguer ces activités annexes à des structures extérieures dont c’est le métier. Il y a longtemps que les hôpitaux privés ont fait la démarche

En finir avec la distinction hôpital public / hôpital privé et la suspicion injustifiée à l’égard de ces derniers

Pour aboutir, à un statut hospitalier unique, avec des missions identiques et un financement équivalent, quel que soit l’établissement.

Ce statut pourrait ressembler à celui des « hôpitaux privés associatifs » dans lesquels les excédents d’exploitation, ne sont pas considérés comme des bénéfices et ne sont pas « distribués »

Actuellement les établissements hospitaliers fonctionnent selon trois statuts différents (Public, privé associatif, privé « commercial »). Les établissements dits « publics » réclament toujours plus de moyens. Pourtant, ce ne sont pas les moyens qui manquent, c’est leur utilisation qui pose un problème.  Ils sont régulièrement épinglés pour leur mauvaise gestion, et le terme est faible ! 

Les établissements privés commerciaux se voient reprocher de faire des bénéfices. Même s’ils ont démontré qu’ils coûtent moins cher. (Il n’y a pas d’étude publiée récemment, mais il y a quelques années, plusieurs études avaient démontré cela.)

Il est certain que ce n’est pas le grand amour entre le « privé » et le « public », ce dernier voulant ignorer le privé, au détriment des patients et de l’économie de santé. La « crise du Covid » a été un excellent révélateur de cette situation.

Les GHT (groupement hospitalier de territoire) sont une nouvelle couche administrative qui contrairement à ce qui était attendu n’ont pas démontré leur utilité mais a augmenté les coûts.

Un statut unique permettrait notamment l’élaboration de normes en personnel soignant ainsi que l’établissement de ratios de gestion lesquelles devraient aider les dirigeants d’établissements notamment pour résister aux pressions politiques locales.

Ainsi, par exemple, on sait que la dépense en personnel ne doit pas excéder 48 % à 52 %, du chiffre d’affaires total, sous-traitants compris et hors honoraires libéraux (médecins, kinésithérapeutes…).

Pour mémoire, le coût annuel d’une infirmière avec une ancienneté de 5 ans se situe entre 48 000 € et 50 000 € (en 2022)

En finir avec la distinction médecins plein – temps (fonctionnaires) / médecins libéraux

Si la création de « praticiens plein-temps » a eu son utilité il y a plus de 60 ans, il est temps de mettre un terme aux dérives que ce système a généré (l’absentéisme prétexte, congrès, missions dites « humanitaires », développement abusif du secteur privé, campagnes électorales et exercice de mandat électif…). La rémunération devrait être fonction de l’activité comme cela se fait dans les hôpitaux privés, commerciaux ou associatifs. Probablement faudra-t-il tenir compte de certaines missions particulières qui pourraient être rémunérées forfaitairement, ou de la répartition en raison du travail en équipe.

Il serait opportun de créer une filière « santé publique » où seraient formés les médecins inspecteurs, médecins conseils, médecin scolaires, médecins du travail … ainsi que l’ensemble des médecins n’ayant pas une activité de soignant. (Et pourquoi pas des « médecins directeurs » appelés à diriger des hôpitaux). Ces médecins « non soignants » seraient les seuls à disposer du statut de fonctionnaire. 

Probablement faudra-t-il revoir le statut et le programme d’enseignement de l’Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP)

Avec l’obligation dans ce parcours de réaliser 18 mois à deux ans de stage en médecine libérale.

Doit-on envisager des obligations ou une incitation pour l’installation des médecins généralistes dans certaines zones particulièrement dépourvues. ? Probablement, mais pas tout de suite : il ne faudrait pas aggraver la « crise des vocations » ; ou pire : la démotivation d’un praticien qui n’a pas choisi son lieu d’exercice. Peut-être dans un premier temps, faudra-t-il simplement limiter les possibilités d’installation dans une zone où la densité médicale est considérée comme suffisante (Pas de création nouvelle, seulement des reprises de cabinet).

En finir avec la vision idéologique du service public hospitalier  

Assurer le service public c’est remplir une mission d’intérêt général. La distribution des soins dans les établissements hospitaliers publics ou privés correspond tout à fait à cette définition.

Ce n’est pas parce que, par facilité de langage, on désigne aussi sous le vocable « service public », l’organisme qui a la charge de cette mission, que cela crée un privilège particulier. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, l’hôpital public n’a pas le monopole du service public hospitalier.

Si, comme nous le préconisons, l’ensemble des établissements hospitaliers fonctionne sous le même statut, tous les établissements auront la charge du « service public hospitalier » en fonction de leur capacité et de leurs compétences. Ainsi, une indemnité forfaitaire pourrait être allouée

Quant au statut de la « fonction publique hospitalière », il doit être réservé aux soignants des hôpitaux. (Infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes ou autres disposant d’un diplôme dont la liste est à définir.)

Doit-on inclure dans la fonction publique hospitalière le personnel non soignant ?

Probablement pas. Il conviendra de proposer un statut de contractuel.

En finir avec la gabegie financière dans les hôpitaux publics et l’irresponsabilité

Pourquoi ne pas envisager un mode de financement unique basé sur l’activité avec une comptabilité identique à celle des établissements associatifs. Donc une obligation de résultat, sans pour autant rechercher des bénéfices. Les excédents étant mis en réserve. En vue de prochains investissements, et pourquoi pas des primes aux salariés ?

S’agissant des salariés, l’instauration d’une prime de « présentéisme » a largement montré son efficacité pour lutter contre l’absentéisme de courte durée qui désorganise les services et crée un surcoût d’environ environ 10 %.

La publication de normes en personnel, faciliterait grandement la gestion et éviterait les excès injustifiés. En effet, il peut exister des spécificités locales plus ou moins sous-tendues par des considérations politiques voire électoralistes.(3) Le financement de ces « spécificités » pourrait être pris en charge et financé par les collectivités locales, sous le contrôle de l’État.

Les élus seraient ainsi amenés à réfléchir à deux fois avant d’avoir des exigences pas toujours justifiées et dont le coût nécessiterait d’augmenter les impôts locaux

La rémunération des médecins doit être distincte du budget de fonctionnement de l’hôpital et fondée sur l’activité.

Probablement, faudra-t-il repenser la notion de « repos de sécurité » dans le cadre des gardes effectuées par les médecins : les exemples ne manquent pas que certains d’entre eux, utilisent leur « repos de sécurité » pour prendre des gardes dans un autre établissement de soins ainsi leur rémunération est largement améliorée. Et le repos de sécurité n’est pas respecté.

Il faudra revoir les procédures de sanction, voire d’exclusion des fonctionnaires qui ne respectent pas la règle. Par exemple, en PACA, en 2022, la chambre régionale des comptes a mis en évidence des manquements graves qui auraient dû être sanctionnés et qui ne l’ont pas été. 

Les tarifs accordés aux établissements doivent être identiques, sur la base d’un statut et d’une comptabilité identiques. Il n’y a pas de raison que les établissements disposent de tarifs différents. Même si certains établissements remplissent des missions très spécifiques et réservées à certains hôpitaux Publics (ex : les greffes d’organes).

Il est impératif de ne pas supprimer la tarification à l’activité qui garantit une certaine efficacité. Il est hors de question de faire un chèque en blanc. La « gestion comptable » dénoncée par les hôpitaux publics n’est pas une contrainte, bien au contraire.

C’est la tarification à l’activité qui a incité à développer les nouvelles technologies, telles que l’ambulatoire, la cœlioscopie et plus globalement de lutter contre l’immobilisme

Le patrimoine immobilier privé (appartement, villa… Issus de dons et legs) des hôpitaux publics est important, très mal géré.  Il coûte plus qu’il ne rapporte et doit donc être vendu. Cela devrait permettre de combler des déficits ou d’envisager des investissements.

Concernant l’immobilier hospitalier, il pourrait être fait appel à des capitaux privés, (de préférence français) sous forme de SCI (chargée aussi de la maintenance de manière à garantir la meilleure qualité de l’investissement initial), rémunérés par un loyer.

Le programme immobilier serait défini par le gestionnaire de l’hôpital avec appels d’offres. L’entreprise en charge de la construction établirait un devis sans possibilité de dépassement sauf pour travaux supplémentaires, exigés par le maître d’œuvre, les devis complémentaires étant validés par le maître d’œuvre. Le tout, après l’avis d’un expert immobilier indépendant

Le loyer initial étant un pourcentage de l’investissement total. En fonction du taux d’intérêt bancaire du moment le loyer serait appelé à évoluer en fonction de l’indice du prix à la construction

Il est probable que les groupes financiers qui, à ce jour, gèrent les hôpitaux privés, se désengagent de la gestion. Ce qui n’est pas certain, car leur organisation devrait permettre de financer des « frais de siège ». Il est fort probable qu’ils souhaiteront participer à l’investissement immobilier. Ces groupes ont été très utiles par le passé, car ils ont permis de réaliser des restructurations de l’offre de soins privée. Ces restructurations n’auraient pas été possibles sans leurs capacités d’investissement.

Aujourd’hui, ces restructurations dans le secteur privé sont pratiquement arrivées à leur terme. Une nouvelle phase des investissements des groupes financiers est à envisager : -le rapprochement des hôpitaux publics et privés des petites communes où cela fait doublon (par exemple en PACA : Manosque, Gap …)

Outre les économies réalisées par ces regroupements, on pourrait dégager aussi du « temps médecin ».

Recentrer l’hôpital sur son cœur de métier : la distribution des soins

Une source évidente d’économies sans nuire à la mission de service public

Si la distribution des soins est une mission de service public quel que soit le statut (public ou privé), il est néanmoins nécessaire de s’interroger sur le périmètre du service public.

  • Les « fonctions de support » par exemple : la restauration, le nettoyage, la blanchisserie… pourraient être confiées à des entreprises privées spécialisées, certainement plus efficaces et compétentes et surtout suffisamment motivées du fait que le renouvellement de leur marché dépendra aussi de la qualité de leurs prestations.
  • La « fonction de brancardage » pourrait être confiée aux aides-soignants. L’expérience montre que cela est beaucoup plus efficace et plus économique, même si le nombre d’aides-soignants doit être réajusté.
  • La restructuration des établissements de soins : le développement des nouvelles technologies avec le raccourcissement très significatif de la durée moyenne de séjour (ambulatoire) rend obsolète la notion de capacité en lits. L’important c’est le plateau technique et les compétences qui vont avec dans le cadre d’un fonctionnement continu. 

Même si les hôpitaux universitaires peuvent avoir une place à part, leur gigantisme n’a plus lieu d’être. 

Pour les établissements périphériques, il faudra faciliter leur regroupement, lorsqu’il y a des doublons dans un même secteur. En PACA, par exemple, des regroupements à Manosque, Gap, Grasse… devraient permettre une utilisation optimale des plateaux techniques, gagner du temps Médecin tout en réalisant des économies.

  • La mise en commun, entre deux établissements voisins, de fonctions de support telles que la « courserie » (transport de sang et autres), la stérilisation ou l’organisation de permanences communes : des accords entre un établissement public et un établissement privé ont déjà été envisagés. Pour des raisons idéologiques cela n’a pas été possible. Toutefois l’analyse financière laissait envisager des économies potentielles très importantes.

Le rôle de l’État

Doit être essentiellement :

  • La planification des restructurations à venir, ainsi que des moyens techniques (« équipements lourds ») après avoir réalisé une évaluation des besoins.
  • Repenser la formation du personnel médical : Il ne faut pas se faire d’illusion il faudra au moins une dizaine d’années pour voir le bout du tunnel avec la disparition des déserts médicaux. À condition de s’en donner les moyens notamment en facilitant l’accès aux études médicales, avec la suppression réelle du « numerus clausus » et la réforme des études de médecine (par exemple, permettre les redoublements). Le rôle de la faculté, c’est l’enseignement théorique et il n’y a en principe pas de limites à l’accueil des étudiants.

En ce qui concerne la formation pratique (le compagnonnage), il y a une limite du fait de la capacité d’accueil des hôpitaux publics qui prétendent de ne pas avoir les moyens suffisants (encore !) pour accueillir tous les étudiants. Quelques rares hôpitaux privés sont habilités à assurer ce compagnonnage. On pourrait largement doubler cette capacité d’accueil en intégrant plus largement les hôpitaux privés. Ce serait d’autant plus facile que l’ensemble des établissements aurait le même statut. Le coût d’une telle mesure serait négligeable, et probablement nul.

En effet, les praticiens exerçant dans le privé ont acquis la compétence nécessaire pendant leur parcours obligatoire dans les hôpitaux publics pour assurer ce compagnonnage. Ce serait un juste retour des choses

  • Les contrôles divers : respect des normes, exactitude des facturations, qualité de la prise en charge, respect des procédures, respect des règles comptables.
  • Veiller à la responsabilisation des différents acteurs. 
  • Repenser le rôle et le fonctionnement des ARS. La crise du Covid a montré les limites de cette administration qui a été contestée.

Plus largement, une réflexion doit être engagée sur l’utilité du mille-feuille administratif (ex : les groupements inter-hospitaliers) qui coûte très cher, aboutit à diluer les responsabilités tout en éloignant le décisionnel du terrain. Chaque établissement de soins doit être indépendant avec une obligation de résultats, sans toutefois exclure, si nécessaire les conventions de coopération ou de complémentarité.

  • Lutter contre la fraude sociale, évaluée, selon les sources entre 10 et 40 milliards d’euros. 

1-En 2021, public et privé confondus, ils représentent 62 % des dépenses de santé. 

2-Le rapport de la chambre régionale des comptes au sujet de l’AP-HM publié fin 2022 et commenté dans le journal « La Provence » (ed .05-01-2023) est particulièrement édifiant.

3-Les exemples sont nombreux où, sous la pression des maires, des postes de salariés pas toujours indispensables ont été créés dans les hôpitaux publics. Généralement, il s’agissait de consolider un socle électoral, sans peser sur les finances de la commune…

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