Perte de souveraineté énergétique


ou quand les calculs politiciens et l’incompétence priment sur l’intérêt de la Nation

« Il est vrai que la France n’a pas été très favorisée par la nature en matière de ressources énergétiques. Nous n’avons presque pas de pétrole sur notre territoire, nous avons beaucoup moins de charbon que l’Angleterre et l’Allemagne, et moins de gaz que la Hollande….notre grande chance est notre énergie électrique d’origine nucléaire ».

Voilà ce que déclarait le 6 mars 1974 le premier ministre Pierre Messmer, après avoir annoncé le 30 novembre 1973 l’accélération du programme nucléaire français visant à rendre le pays plus indépendant sur le plan énergétique En effet, le choc pétrolier de 1973(1), ayant entraîné pour la France une augmentation vertigineuse de la facture pétrolière(2), avait mis en lumière une trop forte dépendance sur un sujet aussi sensible et stratégique que l’énergie.

C’est le début du plan de nucléaire civil avec le lancement de la construction de 13 centrales.

Pendant plusieurs décennies la France a bénéficié des produits de cette politique énergétique.

Et voilà qu’en 2022 d’une part la France est importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 1980(3), d’autre part le prix de l’électricité atteint des niveaux inacceptables pour les consommateurs mais très logiques compte tenu des mécanismes de fixation du prix du MWh sur le marché européen (voir sur le site Vox Nostra « Le prix de l’électricité sur le marché européen : comment ça marche ? »), enfin EDF pourtant premier fournisseur d’électricité en Europe, annonce une perte de 17,9 Mds€ malgré une hausse de son chiffre d’affaires de 70% (143,5 Mds€) tiré par la hausse des prix de l’énergie.

Que s’est-il passé ?

Pour EDF, 2022 a été une année noire avec la conjonction de plusieurs facteurs

  • une demande en hausse (face à la flambée générale des prix de l’électricité, de nombreux clients sont revenus vers EDF).
  • une baisse historique de 15 % de sa production résultant du manque de disponibilité des centrales nucléaires (près de la moitié des 56 réacteurs nucléaires à l’arrêt) et hydrauliques (moins 20 % en raison des conditions climatiques), l’obligeant à acheter de l’électricité sur le marché à prix d’or.
  • une contribution forcée au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement (plus de 8 Mds€).
  • L’obligation de vendre davantage d’électricité (20 TWh supplémentaires dans le cadre de l’ARENH)(4) à bas prix à ses concurrents , ce qui lui a coûté 8,34 Mds €.

D’exportateur à importateur, qu’est devenue notre souveraineté énergétique ?

La question semble bien d’actualité puisqu’une commission d’enquête parlementaire remettra courant avril son rapport portant sur les causes de notre perte de souveraineté énergétique, rapport que Vox Nostra ne manquera pas de commenter à ses lecteurs.

Premier élément, la décision de réduire à 50 % la part du nucléaire à l’horizon 2025(5), sous le mandat de François Hollande, était purement politique, ne s’inscrivait dans aucun plan à moyen terme et n’a été précédée d’aucune étude d’impact ou analyse de besoins. C’est ce qui ressort des auditions de Manuel Valls et Ségolène Royal. En 2011, avant la primaire de la gauche, les négociations sur ce sujet se sont déroulées entre le PS et les verts. Il s’agissait donc effectivement d’une décision politique voire purement électoraliste !

C’est avec les mêmes préoccupations et la même inconséquence que sera fermée la centrale de Fessenheim le 20 juin 2020 par ceux qui aujourd’hui nous expliquent la sobriété énergétique. 

Dans ces conditions, comment reprocher à EDF le défaut d’entretien de son parc nucléaire, les pertes de compétences techniques, quand son principal actionnaire, l’Etat, affiche la ferme volonté d’en finir avec le nucléaire au profit des énergies renouvelables pourtant insuffisantes pour satisfaire la demande et présentant l’inconvénient d’être non pilotables. En langage courant c’est se lâcher des mains sans se tenir des pieds. 

Inconséquence encore lorsque Lionel Jospin décide l’arrêt du réacteur nucléaire surgénérateur Superphénix le 2 février 1998, sacrifié sur l’autel d’une majorité plurielle. Réalisation commune de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, ce surgénérateur unique au monde à l’époque, était une avancée technologique susceptible de participer à la recherche sur la transmutation des déchets radioactifs de haute activité et à longue durée, ce qui à terme nous aurait donné une indépendance énergétique de plusieurs centaines d’années.

Faute sur le plan scientifique et technologique (perte de savoir et d’expérience), faute économique (disparition du tissu industriel spécifique à cette technologie, démantèlement des installations, pertes d’emplois) pour un coût de plusieurs milliards.

La France paie aujourd’hui le prix de cette faute (trahison ?) peinant à retrouver la voie des réacteurs surgénérateurs (projet ASTRID), alors qu’elle avait 30 ans d’avance, allant chercher désormais la compétence en Chine.

Incompétence, arrangements politiciens, erreurs stratégiques, idéologie, nous laisserons le lecteur tirer ses propres conclusions

Ce qui est évident c’est la nécessité d’augmenter notre capacité de production avec pragmatisme :

  • Développer l’exploitation du gaz de schiste en l’encadrant afin d’en limiter au maximum les nuisances.
  • Prévoir le renouvellement et l’extension du parc nucléaire ainsi que la formation et le recrutement de personnels qualifiés (ingénieurs, tuyauteurs, soudeurs etc.).
  • Favoriser la recherche notamment pour le développement des solutions de recyclage et d’enrichissement de l’uranium, la découverte de nouvelles énergies.

Il ne s’agit pas pour autant de sacrifier les énergies renouvelables mais de trouver le juste équilibre garantissant notre indépendance au plus juste prix pour le consommateur

1 Pression de l’OPEP via un embargo pétrolier sur Israël et ses alliés pour la libération des territoires occupés par Israël depuis 1967.

2 La facture pétrolière passe de 15 Mds de francs en 1972 à 52 Mds en 1974.

3 Le solde exportateur passe d’un excédent de 43,3 TWh à un déficit de 16,5 TWh

4 ARENH : Accès régulé à l’énergie nucléaire historique

5 Loi sur la transition énergétique pour la croissance verte votée en 2015, abandonnée le 17 janvier 2023.

1 commentaire

  1. Article, une fois de plus très intéressant, dont le contenu détaillé est très bien résumé dans le titre. Ce n’est pas émettre ses idées ni faire de la propagande politique que de faire la triste constatation que les gouvernements successifs depuis quatre décennies, et principalement lorsque la gauche était au pouvoir, n’ont fait que démolir la prédominan-ce de notre pays dans de nombreux domaines, comme celui cité ci-dessus. Cela nous servira t-il de leçon ? Rien n’est moins sûr……

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