L’œuvre de Justice est certainement l’œuvre humaine la plus difficile à accomplir. Comment juger un autre, comment trancher un litige avec la certitude que l’on a bien jugé ?
Au civil comme au pénal, le sort d’un procès peut avoir un impact violent sur les individus.
Car si l’on pense souvent à la justice pénale, la justice civile, administrative, prud’homale, commerciale sont aussi saisies de litiges essentiels dont l’issue impacte la vie même du justiciable.
Un divorce, un licenciement, un conflit sans fin de voisinage, peuvent avoir tout autant de répercussions morales et financières qu’une décision pénale, côté victime ou auteur.
C’est l’apanage d’une démocratie que de permettre l’accès à la Justice pour régler les conflits. Plutôt que de les régler entre soi à coup de savates vengeresses.
Ce qui est certain, c’est que la Justice ne donne jamais vraiment satisfaction. Il y a généralement deux déçus : celui qui gagne considère qu’il n’ a pas assez gagné et celui qui perd s’estime victime d’une condamnation injuste ou trop sévère.
La Justice est souvent représentée par le symbole d’une balance roberval à 2 plateaux. Elle essaie d’être équilibrée. Dans un plateau se trouve le poids de l’agissement reproché, dans l’autre l’indemnisation de celui qui s’en dit victime.
La Justice essaie d’être équitable, c’est à dire équilibrée. Être magistrat c’est avoir cette responsabilité redoutable de trancher dans l’équilibre
Pour bien trancher, il faut réfléchir , étudier et approfondir. Est-ce à cause de ce besoin de temps que la justice est si longue a être rendue ? Pas forcément. Il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de Palais de Justice, pas assez de salles d’audience, pas assez de greffiers.
J’ai bien connu un Juge d’instance, le Juge qui réglait les conflits civils de proximité mais qui était aussi Juge du Tribunal de Police et Juge des Tutelles Il se faisait une règle de rendre ses jugements à date fixe et pas très lointaine. Il me disait que compte tenu du nombre de dossier qu’il avait à traiter, il n’avait en moyenne que 5 mn à consacrer à chacun d’eux.
Il faisait de son mieux pour bien juger mais il savait que, parfois, le manque de temps pouvait le conduire à des erreurs.
Oui le budget de la Justice est bien trop étriqué alors qu’on la sollicite de plus en plus. Alors, pour éviter que l’on y recoure trop,la tentative de conciliation préalable à toute procédure est devenue la règle. Ce qui engendre souvent une perte de temps supplémentaire et n’aboutit généralement à rien.
Le budget de la Justice a été néanmoins augmenté ces derniers temps mais il reste très insuffisant : légèrement plus que 4 milliards d’€ pour le judiciaire et près de 5 milliards pour la pénitentiaire sur un budget global de l’état de 300 milliards d’€
C’est sur le plan pénal que la Justice subit les plus vives critiques en particulier de la part des personnes victimes de crimes ou de délit. Les insuffisantes prises en charge des victimes, le silence face auquel elles se trouvent parfois sur le devenir de leurs plaintes , le temps mis pour l’audiencement, sont difficilement supportables. Et le trop plein des établissements pénitentiaires , réservés aujourd’hui aux sanctions les plus lourdes, a facilité le maintien en liberté et le simple port du bracelet électronique comme peine de substitution. Les courtes peines ne se purgent jamais en prison. Est ce un bien ou un mal ? La prison devrait être un lieu de sanction salvatrice. Elle est trop souvent un lieu de contamination.
Alors on peut toujours rêver de prisons adaptées, de courtes peines exécutées, d’une Justice plus rapide, plus transparente et accessible. Mais tant que la Justice restera le parent pauvre des ministères, on ne pourra compter que sur la bonne volonté des magistrats, des greffiers et des avocats pour qu’elle soit, à défaut d’être une justice d’excellence, la moins critiquable possible.
Vox Nostra 