Réforme des retraites, les vraies questions


 

Vue en observateur, la menace agitée par les syndicats de blocage du pays pour faire reculer le gouvernement sur la réforme des retraites laisse pour le moins perplexe et ouvre le champ à quelques réflexions.

Perplexité d’abord car rappelons que cette réforme figurait dans le programme électoral de M. MACRON élu largement (58,55% des inscrits), il y a moins d’un an, avec le soutien direct ou indirect de ceux, la CGT en tête, qui appellent aujourd’hui à manifester au nom, qui plus est de la démocratie ! 

D’autant plus surprenant que le débat parlementaire n’aura lieu qu’en février 2023 pour une mise en œuvre en septembre.

A moins qu’il ne s’agisse, autour du thème des retraites, de cristalliser toutes les colères du moment afin de gagner par la rue ce qui ne l’a pas été par les urnes, les syndicats   voyant là  l’occasion de redorer leur blason avec gourmandise lorsque l’on écoute certains représentants syndicaux.

Toutes les études effectuées ces dernières années dont celle de la Dares (1) , constatent un taux   toujours plus faible d’adhésions à un syndicat. Ainsi en 2019, 10,3% des salariés déclarent adhérer à un syndicat (Données Dares sur la syndicalisation publiées le 21 décembre 2021) (2). En conséquence les cotisations ne représentent que 10% de leurs ressources, le différentiel étant à la charge de l’Etat et des employeurs. Ajoutons à ce constat que les grévistes eux-mêmes sont généralement une minorité de salariés de secteurs souvent stratégiques et plutôt protégés voire privilégiés par rapport à la majorité des salariés mais dont la capacité de blocage est inversement proportionnelle à leur nombre. Le dernier exemple étant la grève chez TotalEnergies et les conséquences pour l’ensemble des citoyens de la pénurie de carburants. 

La question se pose donc désormais de la légitimité des syndicats en raison de leur faible représentativité résultant sans doute d’un positionnement plus politique et idéologique que corporatiste, ce qui explique d’ailleurs l’apparition de collectifs, hors syndicat, afin de défendre des intérêts purement professionnels (ex : les contrôleurs SNCF en décembre 2022). Il serait peut-être temps de cantonner l’action des syndicats au monde de l’entreprise.

Sur le principe, la contestation de cette réforme est-elle légitime pour préserver le système par répartition ? Les chiffres nous répondent par l’affirmative compte tenu du vieillissement de la population conjugué à une baisse de la natalité. En effet, aujourd’hui il y a seulement 1,7 actif pour un retraité (quatre actifs pour un retraité en 1950). (3)

Sur le fond, cette réforme est-elle injuste ? 

Principales mesures annoncées

  • A compter du 1er septembre 2023 l’âge légal (62 ans) sera relevé d’un trimestre chaque année pour atteindre 64 ans en 2030. Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) l’âge moyen de départ en retraite en 2021 est déjà de 62,9 ans (chiffre incluant les départs anticipés). Le ministère du travail indique que 58% des actifs partent en retraite entre 62 et 65 ans, 18% au-delà de 65 ans.
  • La durée de cotisation pour bénéficier d’un taux plein sera portée à 43 ans dès 2027 (au lieu de 2035 tel que prévu dans la réforme Touraine des retraites de 2014).
  • L’âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans (pour une carrière complète et même si les 43 annuités ne sont pas atteintes).
  • Le dispositif « carrières longues » est conservé et va intégrer les interruptions pour congés parentaux (pour ceux qui ont travaillé plus de trente ans).
  • Les départs anticipés restent possibles pour les personnes invalides en incapacité ou en situation de handicap.
  • La pénibilité continue à être prise en compte avec notamment le renforcement du compte professionnel de prévention (C2P).
  • L’emploi des séniors fera l’objet d’une attention particulière (ex : les entreprises de plus de 300 salariés devront publier un index de l’emploi des séniors sur le modèle de celui portant sur l’égalité professionnelle femmes / hommes). 
  • La pension minimale sera augmentée de 100 € en septembre 2023. Le montant de la retraite minimale passant de 75 % à 85% du SMIC mensuel net.
  • Fin des régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés (RATP, EDF, Banque de France, CESE) (4), affiliation au régime général.

A la lecture de ces principales mesures il n’y a rien de très nouveau si ce n’est l’accélération du passage aux 43 annuités de cotisations (de 2035 à 2027) et la fin des régimes spéciaux, c’est sans doute sur ce dernier point que les syndicats vont trouver la principale clientèle de contestataires !

Sur le financement du régime des retraites, une contribution va être demandée aux entreprises, laquelle sera compensée par une baisse de leur cotisation au régime des accidents de travail actuellement bénéficiaire. Certains regrettent que les retraités ne soient pas mis à contribution. Rappelons que la retraite moyenne en France s’élève en 2020 à 1 509 € brut soit environ 1 400 € net et que si le niveau de vie des retraités apparaît comme légèrement supérieur à celui des actifs c’est en général en raison de la prise en compte  d’un patrimoine (bien immobilier ou épargne)  acquis tout au long de la vie professionnelle.

La solution n’est sans doute pas de faire payer toujours plus dans un pays où le taux des prélèvements est déjà parmi les plus élevés mais de s’interroger sur :

  • Comment améliorer les conditions de vie au travail afin que celui-ci redevienne une source d’épanouissement personnel et, pourquoi pas, un plaisir ? Peut-être en renonçant à des méthodes managériales venues d’outre atlantique privilégiant la rentabilité, les gains de productivité, l’efficience. 
  • Comment mieux rémunérer le travail pour le rendre plus attractif et garantir une retraite correcte aux jeunes qui entrent sur le marché du travail ? Peut-être en couplant répartition et capitalisation. Par exemple pour chaque catégorie d’emploi un seuil maximal de rémunération pourrait être arrêté sur lequel cotiseraient employeurs et salariés pour financer le système par répartition au-delà de ce seuil toutes les augmentations accordées (hors celles consécutives à un changement de grade ou de qualification) seraient exonérées de cotisations pour l’employeur quant au salarié, s’il le souhaite, il pourrait se constituer sur le différentiel une retraite complémentaire par capitalisation (ex : Préfon pour les fonctionnaires). 

Quant à ceux qui considèrent que les fonctionnaires sont privilégiés dans le calcul de leur pension (6 derniers mois au lieu des 25 meilleures années), nous les renvoyons au dossier n° 103 de la DREES (5) paru le 7 novembre 2022 appliquant les règles du calcul des droits du privé au public. Le calcul s’est effectué sur les fonctionnaires sédentaires de la génération 1958. En appliquant les règles du régime général (et des régimes complémentaires Agirc-Arrco à un taux moyen) 62 % de ces fonctionnaires seraient gagnants, 32 % seraient pénalisés (principalement les cadres) et 6 % ne verraient aucun changement. La pension moyenne de la génération 1958 serait finalement peu modifiée (+ 1,5% avec les règles du privé). 

En résumé :

  • Revoir l’article 1 du code du travail (issu de la loi du 31 janvier 2007) instituant une obligation de négociation collective préalable à toute loi sociale ce qui permet à des syndicats non représentatifs de se substituer au législateur
  • Repenser le système de financement des syndicats : cotisations des adhérents (en Europe du Nord les syndicats sont financés à plus de 50 % par les cotisations) et participation des employeurs.
  • Engager une réflexion sur un système de cotisations mixte répartition/capitalisation lequel pourrait concerner non seulement le financement des retraites mais également le financement de la protection sociale.

Arrêtons de dresser les catégories les unes contre les autres (privé/public, jeunes/vieux actifs/retraités)……restons solidaires.

1-Direction de l’Animation de la recherche des études et des statistiques

2-La syndicalisation | DARES (travail-emploi.gouv.fr)

3-Chiffres du ministère du travail

4-Conseil Economique, social et environnemental

5-Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques Retraite : règles de la fonction publique et du privé – Comparaison du calcul des droits à la retraite à l’aide du modèle Trajectoire | Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (solidarites-sante.gouv.fr)

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