Selon Mathilde Panot, chef de file des insoumis à l’Assemblée Nationale, la France n’est ni une langue, ni une religion, ni une couleur de peau mais se définit par la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » figurant au fronton de tous les édifices publics.(1)
Nous n’entrerons pas ici dans un débat sur le caractère plus que réducteur de cette définition de notre pays, notamment en ce qu’elle le fait naître avec la révolution de 1789.
Certes ces notions de liberté, égalité et fraternité n’ont pas été inventées par la Révolution. Ce sont des thèmes fréquents à l’époque des Lumières, particulièrement la liberté et l’égalité, mais c’est avec la Révolution qu’ils vont former un triptyque et, pour la première fois, dans la bouche de Robespierre qui en propose l’inscription sur les uniformes et les drapeaux. Robespierre qui exercera sous la Terreur (plus de 35 000 morts et 200 000 arrestations) un pouvoir de plus en plus personnel et autoritaire, bien éloigné de ces grands principes, démontrant ainsi que l’enfer est décidément toujours pavé de bonnes intentions.
La devise apparaît donc au moment de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais c’est la constitution de novembre 1848 dans son article IV qui précise que la République a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité et pour fondement la Famille, le Travail, la Propriété et l’Ordre public. Il est plus que certain que cette définition de la République, dans sa globalité, est loin d’être partagée par tous aujourd’hui.
Justement aujourd’hui qu’en est-il de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ?
La liberté d’abord. Il ne s’agit pas ici de philosopher sur ce qu’est ou pas la liberté. Disons simplement que si nous ne sommes pas sous un régime ouvertement liberticide nous subissons le joug de ce que Pierre Jourde nomme une « Tyrannie vertueuse ». (2)
Que ce soit l’Etat ou les minorités agissantes, au nom de la collectivité ou au contraire de sensibilités individuelles, on contraint (confinement, passe sanitaire, vaccination obligatoire, ZFE, vers un passe écologique et un crédit social à la chinoise ?), on s’immisce dans la sphère privée (chauffage limité à 19° sinon nous serons plus coercitifs !), on surveille, on censure, on moralise.
Et bien souvent ce sont les citoyens eux-mêmes, via les réseaux sociaux, qui participent de leur propre servitude. Pour un mot, une opinion, un écrit non conforme au « politiquement correct » du moment la mise au ban sociale et numérique est une condamnation à perpétuité faisant fi des lois et tribunaux.
L’égalité ensuite. En France, une mission essentielle de la République est de garantir l’égalité des chances. Tous les citoyens, quel que soit leur milieu d’origine, doivent bénéficier des mêmes possibilités d’évolution sociales et professionnelles.
C’est ce qu’affirme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « tous les citoyens étant égaux à ses yeux (de la loi), sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Une politique scolaire a en conséquence été mise en œuvre de longue date pour atteindre cet objectif, cela avec succès, permettant à des enfants issus de milieux populaires d’accéder à l’enseignement supérieur, notamment grâce à l’obtention de bourses d’études. Il ne s’agissait pas d’égalité statistique mais d’ascenseur social au profit des meilleurs et ce dans l’intérêt de la Nation, certains accédant souvent aux plus hautes fonctions.
A partir de la seconde moitié du XXème siècle l’égalité s’est pensée en termes statistiques. Il n’a plus été question de mérite ou de capacités mais d’égalitarisme : tous devaient pouvoir accéder aux enseignements supérieurs quelles que soient leurs capacités.
Pour ce faire un nivellement par le bas a été mis en œuvre ce qui a conduit à distribuer largement les titres scolaires et universitaires. Ainsi le taux global de réussite au bac est passé de 19,6% en 1968 à 91,10% en 2022. Or parallèlement on constate une baisse incontestée du niveau ne serait-ce qu’en mathématique et en maîtrise de la langue française.
Après le bac, passage obligé par la plateforme Parcoursup, laquelle se définit comme étant au service de l’égalité d’accès et de réussite dans l’enseignement supérieur.
A ce titre, les bacheliers boursiers bénéficient d’une sorte de bonus permettant « d’augmenter le nombre de lycéens boursiers admis dans l’enseignement supérieur et de contribuer ainsi à la diversité sociale dans l’ensemble des formations disponibles, y compris les plus sélectives » (brochure Parcoursup – bilan de la procédure d’admission 2022).
Il y a donc rupture d’égalité car à dossier identique un lycéen boursier issu de la « diversité » bénéficiera d’une priorité peut-être au détriment d’un lycéen issu de la classe moyenne, laquelle n’est pas spécialement privilégiée. Ce que l’histoire ne dit pas c’est réussite ou échec par la suite ?
Deux choses sont certaines. D’une part les vrais nantis ont conservé leurs filières, écoles privées, grandes écoles, garantissant un enseignement de qualité, d’autre part Il résulte du système actuel beaucoup de désillusions lorsqu’il s’agit de décrocher un emploi, le niveau des candidats n’étant pas à la hauteur du poste auquel ils prétendent accéder compte tenu du diplôme obtenu.
La fraternité enfin, définie par le dictionnaire Larousse de la manière suivante : « 1. Lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille humaine ; sentiment de ce lien. 2. Lien qui existe entre les personnes appartenant à la même organisation, qui participent au même idéal ».
Sérieusement peut-on encore parler de fraternité dans une société au sein de laquelle l’individu prime, les minorités agissantes imposent leur loi à la majorité silencieuse, un regard mal interprété peut avoir des conséquences dramatiques, un plein d’essence justifie un coup de couteau ? Et quel spectacle de fraternité nous donnent nos politiques, en commençant par les députés !
Peut-on encore parler de solidarité quand ce sont toujours les mêmes qui payent sans contrepartie ? Selon notre ministre des finances, au nom de la solidarité, nous risquons d’avoir bientôt des tarifs d’électricité variant selon nos revenus, ce qui va peser le plus lourdement sur la classe moyenne.
En conclusion la devise Liberté, Egalité, Fraternité est un très beau rêve mais bien éloigné de notre réalité.
Il est urgent de secouer le joug de cette nouvelle tyrannie, de rétablir un enseignement de qualité pour tous et de revoir le financement de la « solidarité » nationale pour plus de justice et d’équité.
1 La République d’Haïti, région longtemps sous influence française, a la même devise.
2 La tyrannie vertueuse, édition du Cherche Midi, parution 17/02/2022