. . . Il y avait la chambre régionale territoriale des comptes
Dans son discours du 4 septembre 2021 à Marseille, Emmanuel MACRON tacle avec sourire les élus locaux : « L’État peut systématiquement arriver avec des milliards. Si l’action publique est toujours divisée, et les chicaya locaux bloquent l’avancée, ces milliards n’arrivent jamais sur le sol. Je ne viens pas ici faire des promesses, je viens prendre des engagements « . Le Président ne manque pas de dénoncer les dissensions entre les élus locaux pour privilégier l’intérêt général.
Il dresse un constat accablant de la gouvernance et du fonctionnement de la Ville (finances, patrimoine, gestion du personnel): “un système qui n’avance plus du fait d’un mécanisme qu’il a construit, à coups de petits arrangements, de faiblesses”, allusion à peine voilée à la cogestion avec le syndicat Force Ouvrière.
Ces annonces ne sont pas une grande surprise pour l’auditoire qui n’est pas sans ignorer cette situation, y compris pour le Maire nouvellement élu qui, rappelons-le, siégeait dans l’opposition au sein de cette même assemblée pendant des années.
Ces dysfonctionnements ont fait l’objet d’observations de la Chambre Régionale des Comptes, notamment dans ses derniers rapports du 25/11/2019 portant les années 2012-2017, faisant ressortir 38 recommandations sur la gestion financière et patrimoniale calamiteuse, et déjà consignées dans le cadre de précédents contrôles sur des anomalies à corriger dans la tenue des comptes. Malgré ce, la Ville semble en avoir fait fi si l’on en croit la situation déficitaire de la Ville.
Il est à noter la chambre avait l’option de saisir la Cour de Discipline Budgétaire et financière des irrégularités, qui aurait alerté le Procureur de la République par l’intermédiaire du Procureur Financier, mais force est de constater que cela n’a pas été fait, comme en attestent les rappels en boucle de la Chambre.
A titre d’exemple, l’état d’abandon des écoles marseillaises illustre bien ce déni manifeste d’intervention, en matière d’entretien courant et de réhabilitation des bâtiments communaux.
Autre exemple, la chambre observe également que lorsque la ville donne à bail des immeubles, elle néglige parfois d’en percevoir les recettes dans des délais raisonnables et ne suit pas correctement l’indexation des loyers.
En revanche, lorsqu’elle est locataire d’immeubles de bureaux, elle en supporte généralement toutes les charges en lieu et place du propriétaire et acquitte parfois des loyers, bien en deçà du prix du marché.
Enfin, les décisions de gestion mal anticipées ou la mauvaise coordination interne, se concluent par la location de locaux qu’elle n’occupe que très partiellement ».
Notre équipe a consulté deux autres rapports des 1er septembre 2006 et 7 octobre 2013, couvrant la période 1997 à 2011, où l’on relève des constats identiques quant à la fiabilité des comptes, les autorisations de programme, la sincérité des restes à réaliser, l’absentéisme…bref les mêmes carences en matière de gestion.
Le bilan de gestion municipale dressé par la CRC sur les vingt précédentes années, fait ressortir des anomalies significatives en 2006, 2013 et 2019, sans toutefois qu’elles soient suivies d’effet. Cela nous amène à la réflexion de la légitimité de ces audits dont les observations à corriger semblent relever du bon-vouloir de la Ville qui ne semble manifestement pas inquiétée.
Si les rapports de la CRC avaient été respectés, la ville de Marseille ne serait pas en quasi dépôt de bilan, les écoles seraient moins délabrées, les effondrements d’immeubles auraient pu être évités, l’habitat insalubre ne prospérerait pas.
La mission des CRC n’en demeure pas moins utile et indispensable dans un État de droit, notamment pour contrôler la gestion des deniers publics par les élus et les cadres territoriaux, mais ne doit pas se limiter à « de simples recommandations », c’est pourquoi nous proposons :
-En cas de non régularisation, les chambres devront systématiquement saisir la cours de discipline budgétaire et financière des irrégularités.
-Que les recommandations des CRC s’accompagnent d’obligations de régularisations dans un délai déterminé sous contrôle d’un auditeur en charge du suivi.
-Sauf cas de force majeure, la non régularisation s’ensuivra de sanctions, telle que l’inéligibilité pour un élu ou la révocation pour un fonctionnaire
-Les recommandations pourront également consister à préconiser l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire en cas de soupçon de malversations (sanctions pénales) ou l’engagement de contrôles fiscaux dans l’hypothèse d’éventuels enrichissements personnels (sanctions financières).
Il est grand temps que les malhonnêtes et/ou les incompétents rendent des comptes et subissent les conséquences de leur gestion contraire à l’intérêt général. Rendre des comptes ne doit pas se limiter à se présenter à une élection tous les 5 ou 6 ans !
Si nous voulons que nos deniers publics soient utilisés à bon escient, il faut lutter contre la gabegie, l’ingérence et surtout veiller, à posteriori, à ce que les observations des CRC. soient effectives.
L’impunité et « le sentiment » d’immunité ont toujours été source de toutes les convoitises.